arrow_back Retour aux articles

Il est très difficile de faire réviser une décision du Tribunal administratif du travail

 

 

Par Me Paul-Matthieu Grondin

 

Dans la cause très récente du Tribunal administratif du travail, Desmarais c. Suncor Energy Services inc., la plaignante, une gestionnaire de crédit pour projets spéciaux, demande la révision d’une décision quant à ses allégations de congédiement sans cause juste et suffisante. L’employeur s’était précédemment déchargé de son fardeau de prouver qu’il y avait effectivement eu licenciement, et que sa réorganisation était objective et qu’elle ne visait pas l’employée en particulier.

Il est possible de demander la révision d’un jugement au TAT selon certains critères usuels des tribunaux administratifs – dans ce cas-ci lorsque la première décision est « entachée d’un vice de fond ou de procédure de nature à l’invalider ». Ce critère est plus contraignant que celui d’un appel, et ne permet pas au TAT de réviser sa propre décision sur une question d’appréciation des faits.

Dans la décision qui nous occupe, la plaignante ne réussit pas à rencontrer les critères à une révision, et plaide essentiellement la même chose que dans la décision initiale. Cela dit, le jugement nous permet (1) de situer les délais en matière de révision qui semblent être de moins de 5 mois ce qui, dans notre domaine, est loin d’être excessif et (2) de reprendre ici une revue de la jurisprudence applicable en la matière :

 

 

 

[10]      L’article 49 de la LITAT prévoit que le Tribunal peut, sur demande, réviser ou révoquer l’une de ses décisions pour les motifs qui y sont énumérés, entre autres, lorsque la décision est entachée d’un vice de fond ou de procédure de nature à l’invalider, comme indiqué au paragraphe 3o de son premier alinéa.

[11]      Le fardeau de preuve est cependant exigeant. Il requiert la démonstration que la décision contestée est entachée d’un « vice fondamental et sérieux, dont l’impact est tellement déterminant sur l’issue du litige qu’il rend la décision invalide »[6]. Un « genre d’erreur » qui peut se présenter sous la forme d’un « accroc sérieux et grave à la procédure, ou en une décision rendue en l’absence de compétence, en l’absence de preuve ou en ignorant une preuve évidente ou, encore, une décision dont les conclusions sont carrément insoutenables »[7].

[12]      Comme la Cour d’appel l’a réitéré récemment dans l’arrêt Corbi[8], le pouvoir du Tribunal de réviser l’une de ses décisions est étroit, suivant l’article 49 al. 1 (3°) de la LITAT, puisqu’il ne doit alors intervenir qu’en regard « d’une erreur si grossière qu’elle invalide la décision ou en fait une décision qui, à sa lecture même, est indéfendable (un qualificatif fort), une erreur, en somme, dont « la gravité, l’évidence et le caractère déterminant » sautent aux yeux ». Le plus haut tribunal du Québec ayant au préalable précisé qu’ « un vice de fond n’est pas une divergence d’opinions ni même une erreur de droit », mais « une erreur fatale qui entache l’essence même de la décision, sa validité même ».

(…)

[23]      Or, comme indiqué dans la décision Cherif c. Automobiles Uptown inc.[10] :

« un recours en révision n’est pas un second appel ni une deuxième chance qui est donnée à une partie de pouvoir convaincre un nouveau juge de son point de vue. En outre, il ne suffit pas d’être en désaccord avec une décision pour qu’il y ait matière à révision. Un tel recours ne peut servir de prétexte permettant un appel déguisé de la décision attaquée »