arrow_back Retour aux articles

Une orthophoniste congédiée par une clinique privée est réintégrée dans son poste

Par Me Paul-Matthieu Grondin

 

Dans une cause du Tribunal administratif du travail, un juge ordonne la réintégration d’une orthophoniste qui travaillait dans une clinique privée, au gré de contrats d’un an. Elle avait été remerciée de ses services après 30 jours seulement.

Dans Côté-Giroux c. Laframboise, une objection préliminaire se pose : la plaignante est-elle salariée? Si elle l’est, son recours pour congédiement sans cause juste et suffisante pourra être porté au fond. Sinon, elle sera déclarée travailleur autonome et devra s’y prendre d’une autre façon.

Les salariés au sens de la Loi sur les normes du travail doivent (1) donner une prestation de travail, (2) obtenir une rémunération et (3) on doit constater un lien de subordination.

Les deux premiers points ne causant pas de souci particulier en l’instance, le juge examine de façon exhaustive le troisième point, concluant qu’il existe un lien de subordination. Cette décision sera notamment basée sur les critères jurisprudentiels usuels, soit l’exécution personnelle du travail de l’orthophoniste, son intégration dans l’entreprise, l’impossibilité qu’elle avait de se faire remplacer, la « propriété des outils » qui semblait partagée, et l’impossibilité pour elle de participer aux profits.

Voyez ici le résultat de la décision, où le juge s’oblige à la réintégration :

 

 

[63]      Le Tribunal conclut que le lien de subordination juridique est démontré et que la plaignante est donc une salariée au sens de la LNT. Par conséquent, le Tribunal rejette l’objection préliminaire soulevée par l’employeur.

[64]      Considérant cette conclusion, le fait que la plaignante ait soumis sa plainte dans le délai prescrit à l’article 124 de la LNT, qu’elle a plus de deux années de service continu, qu’elle a été l’objet d’un congédiement et que l’entrepreneure n’a soumis aucune preuve d’une cause juste et suffisante justifiant cette mesure, il y a donc lieu d’accueillir sur le fond, la présente plainte.

[65]      En ce qui concerne la réintégration dans son emploi, les parties s’entendent pour dire qu’elle ne peut avoir lieu. Toutefois, elles n’ont soumis aucune preuve sur le sujet.

[66]      Or, rappelons que le premier remède à un congédiement sans cause juste et suffisante est la réintégration dans le poste dont a été privé le salarié plaignant. À ce sujet, le Tribunal réfère à la Cour d’appel dans l’arrêt Carrier c. Mittal Canada inc., où l’on peut notamment lire ce qui suit :

[129]   En fait, selon une jurisprudence constante, avalisée par notre cour dès 1985, la réintégration est le remède normal en cas de congédiement sans cause juste et suffisante. C’est l’objectif même du recours prévu par les articles 124 et s. L.n.t.- on pourrait même dire sa raison d’être et ce qui le distingue du recours de droit commun. Ce n’est pas seulement que la réintégration peut être ordonnée par la CRT, elle doit l’être, à moins que le salarié y renonce ou que l’employeur ne démontre l’existence d’un obstacle réel et sérieux et l’impossibilité ou l’infaisabilité d’une telle mesure. Certes, la CRT jouit d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard, mais d’un pouvoir discrétionnaire bien balisé qui ne peut faire fi du principe de la réintégration.

 

[130]   C’est ce qu’enseignent les arrêts suivants de la Cour, sans équivoque: Skorski c. Rio Algom Ltée; Radex Ltée c. Morency et, implicitement, Les Immeubles Bona ltée c. Labelle, allant dans le sens d’une abondante doctrine.

[Notre soulignement et notes omises]

[67]      Par conséquent, ce n’est que dans des situations exceptionnelles que la réintégration ne sera pas ordonnée. Il appartient à la partie qui en conteste l’opportunité de démontrer qu’elle est impossible, vouée à l’échec, illusoire, problématique ou encore inappropriée.

[68]      Le Tribunal n’ayant eu aucune preuve quant à l’impossibilité de la plaignante de réintégrer son emploi, rejette donc cette demande.