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Une comptable de 61 ans reçoit 8 mois de salaire en indemnité de départ pour moins de deux ans d’emploi

Par Me Paul-Matthieu Grondin

 

 

Dans la décision Monti c. Burovision inc. de la Cour du Québec, une comptable de 61 ans s’est fait remercier de ses services après moins de deux ans d’emploi. On lui accorde près 8 mois en indemnité de départ, ce qui représente 62 000$ après le retrait des montants en mitigation des dommages, puisque la comptable s’était retrouvé un emploi.

Plusieurs dynamiques sont en cause dans ce qui est somme toute une indemnité de départ généreuse pour quelqu’un qui n’a pas été à l’emploi d’une compagnie pendant plus de deux ans.

Le juge se donne à une belle revue de la jurisprudence en matière de deux facteurs qui militent de façon différente pour une indemnité de départ, soit l’âge élevé (indemnité plus longue) et la courte durée de l’emploi (indemnité plus courte) :

 

 

 

 

[47]        Since the contract was not resiliated for a serious reason, the Court must determine whether or not plaintiff was given a sufficient notice of termination.

[48]        Although no case is the same, the principles to be applied to the case at bar are an amalgamation of the following.

[49]        In Standard Broadcasting Corporation Limited c. Stewart,[1] the Court of appeal decided as follows:

Le délai-congé a essentiellement une vocation indemnitaire et a pour but de permettre à l’employeur de résilier le contrat et de trouver une autre personne pour le poste devenu vacant, et pour l’employé de lui permettre d’avoir un temps raisonnable pour se retrouver un emploi sans encourir de perte économique (Voir: I. JOLICOEUR, «L’évolution de la notion de délai- congé raisonnable en droit québécois et canadien», Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1992, p. 59 et s.). Les tribunaux agissent alors comme des arbitres et doivent parvenir, en dehors d’une stricte évaluation actuarielle ou comptable, à un chiffre qui, tenant compte de toutes les circonstances, paraît juste et raisonnable. Ce chiffre cependant se base, bien évidemment sur certaines données économiques, notamment le montant de la rémunération antérieure de l’ex-employé. 

En la matière, comme d’ailleurs dans bien d’autres, il est particulièrement difficile pour une Cour d’appel de substituer sa propre opinion et sa propre évaluation à celles du juge de première instance qui a vu et entendu les témoins, a apprécié l’ensemble de la preuve dont le dossier d’appel ne révèle parfois qu’une partie. Je fais miennes sur ce point les commentaires de mon collègue, M. le juge Fred Kaufman, dans l’affaire Steinberg’s Ltd c. Lecompte[1985] C.A. 223 .

En outre, comme le faisait pertinemment observer mon collègue, M. le juge Claude Vallerand, dans ce même arrêt, il ne faut surtout pas stériliser la jurisprudence par une adhésion aveugle à des soi-disant «normes», issues de l’accumulation de précédents du droit civil ou du common law. Il convient, bien au contraire, de ne pas paralyser l’évolution du droit surtout à une époque où le marché du travail connaît tant de bouleversements et de changements structurels et donc de garder une indispensable souplesse, garante d’une meilleure justice individuelle.

Un délai-congé raisonnable dépend donc des circonstances propres à chaque espèce et d’une impressionnante conjonction de facteurs (Voir: l’étude de I. JOLICOEUR, «L’évolution de la notion de délai-congé raisonnable en droit québécois et canadien», op. cit. supra et A. AUST et L. CHARETTE, «Le contrat d’emploi», 2e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1993, p. 165 et s.). L’autorité du précédent doit donc être jaugée ici avec circonspection, même si les nombreuses décisions en la matière, par leur sagesse collective, apportent des points de comparaison intéressants.

Comme l’a affirmé plusieurs fois notre Cour, c’est essentiellement une perspective globale de l’ensemble des éléments individuels qui doit guider le juge (Columbia Builder’s Supplies Co. c. Bartlett1966 CanLII 526 (QC CQ)[1967] B.R. 111 ; Steinberg’s Ltd. c. Lecompte[1985] C.A. 223 ; Miron c. Descheneaux, (1987) 1987 CanLII 1183 (QC CA)R.L. 636 (C.A.); Industrie du Caoutchouc Mondo c. Leblanc1987 CanLII 518 (QC CA)[1987] R.J.Q. 1024 (C.A.); Société Hôtelière Canadien Pacifique c. Hoeckner, J.E. 88- 805 (C.A.). Le délai-congé doit être suffisamment long pour permettre à l’employé de retrouver une occupation lucrative, mais pas long au point de rendre illusoire l’exercice même du droit de congédiement de l’employeur.

[50]        In Shire Biochem Inc. vs. Ann Christie King,[2] the Court of appeal applied those principles as follows:

[21]          En l’instance, il faut retenir l’âge de l’intimée, la durée de l’emploi, le caractère hautement spécialisé de sa formation, la nature de ses fonctions – cadre intermédiaire en recherche -, la difficulté de se trouver un emploi équivalent, l’obligation de se relocaliser car elle ne parlait pas français, le caractère complètement inattendu de la fin du contrat d’emploi et le comportement de l’employeur marqué par l’absence de transparence.

[51]        Equally of interest are the following passages from Atwater Badminton and Squash Club Inc. c. Morgan:[3]

[14]        Les critères devant être considérés dans la détermination du délai de congé raisonnable sont multiples. Pour l’essentiel, ce délai varie en fonction des circonstances propres à chaque espèce. L’opinion du juge Baudouin, toujours d’actualité, résume de façon fort pertinente la vocation indemnitaire du délai de congé :

[…] Ce qui constitue un délai-raisonnable, dans l’hypothèse d’un contrat à durée indéterminée, est essentiellement une question de fait qui varie avec les circonstances propres à chaque espèce, à partir d’un certain nombre de paramètres connus : nature et importance de la fonction; abandon d’un autre emploi pour l’acquérir; âge, nombre d’années de service et expérience de l’employé; facilité ou difficulté de se retrouver une occupation identique ou similaire; recherche subséquente d’un travail; existence ou inexistence de motifs sérieux au congédiement. […]

En la matière, comme d’ailleurs dans biens d’autres, il est particulièrement difficile pour une Cour d’appel de substituer sa propre opinion et sa propre évaluation à celles du juge de première instance, qui a vu et entendu les témoins, a apprécié l’ensemble de la preuve dont le dossier d’appel ne révèle parfois qu’une partie. Je fais miens sur ce point les commentaires de mon collègue, M. le juge Fred Kaufman, dans l’affaire Steinberg’s Ltd c. Lecompte, [1985] C.A. 223.

 

[15]        Dans l’affaire Standard Radio c. Doudeau, le juge Baudouin a aussi précisé que la détermination de l’indemnité ne doit pas constituer un calcul mathématique mais plutôt une appréciation subjective des circonstances y compris une évaluation des aspects humains de l’affaire.

[16]        Plus récemment, le juge Jean Bouchard faisait le point sur la raisonnabilité du délai de congé :

[52]       En guise de rappel théorique, je propose de revenir en premier lieu sur la vocation indemnitaire du délai-congé, lequel a pour but, en ce qui concerne l’employé, « de lui permettre d’avoir un temps raisonnable pour se retrouver un emploi [équivalent] sans encourir de perte économique ». Ceci ne signifie pas que le délai-congé doit équivaloir au temps requis pour se replacer sur le marché du travail. Le délai-congé doit s’apprécier également au regard du droit de l’employeur de mettre fin au contrat de travail, lequel droit pourrait être compromis si le délai-congé octroyé est trop long.

[53]       L’article 2091 C.c.Q. parle plutôt d’un délai raisonnable, chaque cas étant un cas d’espèce devant être évalué en fonction des différents critères énumérés à cet article et développés par la jurisprudence. Les plus souvent invoqués sont les suivants:

  la nature et l’importance du poste occupé par l’employé, l’idée étant que plus le poste sera important, plus le délai-congé sera long;

  le nombre d’années de service de l’employé. Plus ce dernier sera ancien dans l’entreprise, plus le délai-congé sera long;

  l’âge de l’employé. Plus l’employé sera âgé, plus on présume qu’il lui faudra du temps pour se replacer sur le marché du travail et plus son délai-congé sera long;

  les circonstances ayant mené à son engagement. Un employé, par exemple, qui est sollicité et qui laisse un emploi rémunérateur et certain aura droit à un délai-congé plus long que celui qui est sans emploi ou dont l’emploi est incertain;

  la difficulté de se trouver un emploi comparable. Plus cette difficulté sera grande, plus le délai-congé sera long.

[54]      Chose fondamentale à ne pas oublier, aucun de ces critères ne doit être examiné isolément. C’est dans une perspective globale qu’ils doivent être pris en compte, ce qui constitue un délai-congé raisonnable étant « essentiellement une question de fait qui varie avec les circonstances propres à chaque espèce ».

 

[17]        La juge a déterminé l’indemnité en tenant compte du fait que malgré ses efforts, l’intimé n’a pas été en mesure de se replacer dans un emploi similaire. Quoique l’intimé possède une grande expertise dans son domaine, elle a constaté que cette expertise est très pointue et que les opportunités d’emplois sont très limitées. Le délai de congé tient donc compte du fait que l’intimé doit dorénavant se contenter d’un emploi dans un domaine autre que celui où il a œuvré jusqu’ici. Dans ce contexte, vu son âge (47 ans) et de la durée de son emploi (17 ans), la juge a fixé l’indemnité à 21 mois. En réalité, ce délai comprend un préavis de trois mois pendant lequel l’appelant a travaillé et qui incluait le mois de vacances prévu à son contrat. Dans ces circonstances, l’indemnité est certes généreuse mais pas excessive au point de justifier l’intervention de la Cour.

[52]        In the case of Marcel Bouchard c. Les Batteries Électriques Gagnon Inc. et Claude Gagnon,[4] the Court decided that a notice of 9.5 months was reasonable for a man in his forties, whose work was beyond reproach and lasted approximately 3 months :

LE DÉLAI RAISONNABLE

[30]            L’article précité prévoit que pour l’appréciation du délai raisonnable, on tient compte, « notamment, de la nature de l’emploi, des circonstances particulières dans lesquelles il s’exerce, et de la durée de la prestation de travail ».  La doctrine et la jurisprudence énoncent que ces critères ne sont ni limitatifs ni exhaustifs.  On peut, selon les éléments propres à chaque espèce, considérer les circonstances de l’engagement, l’intention des parties, l’âge et l’expérience du salarié, les conditions de l’emploi antérieur, les circonstances liées à la recherche et l’obtention d’un autre travail, la prestation de travail fourni par l’employé et les raisons du congédiement.  L’importance relative de ces critères varie selon les cas considérés.

[31]            Au moment de son engagement, le demandeur a 43 ans. Marié, père de trois enfants, il est le seul soutien de la famille.  Il avait étudié un an en techniques administratives au niveau collégial, et obtenu un certificat en administration d’entreprise, (H.E.C.), et suivi divers programmes de formation continue par la suite.  Depuis 1976, il a travaillé pour des entreprises de location d’automobiles et camions, y détenant des postes de directeur de succursale et de directeur régional.  À son dernier emploi, il était directeur principal de l’exploitation et responsable de quatre succursales pour une entreprise de location de camions.  Il cumulait donc vingt-quatre ans d’expérience pertinente, avec progression dans sa carrière.

[32]            Les circonstances de son engagement sont amplement décrites plus haut, tout comme celles de son congédiement.  Dès la première entrevue, Lemay connaissait son salaire à l’emploi qu’il détenait, selon son propre témoignage.  On a néanmoins continué à lui faire des offres, à des conditions susceptibles de l’inciter à quitter son emploi.  L’intention de la défenderesse était donc d’obtenir ses services en lui présentant des conditions suffisantes à cette fin.  En les acceptant, le demandeur visait, à très court terme, l’obtention du poste promis; et à plus long terme, la poursuite d’une carrière dans son domaine, avec l’acquisition d’intérêts dans l’entreprise.

[33]            Quant à sa performance, on ne lui a rien reproché, et on ne lui attribue aucunement la responsabilité des difficultés financières.  La preuve convainc le tribunal qu’il a fourni un bon rendement, compte tenu des circonstances.  On ne peut donc considérer qu’il y avait un motif sérieux, résultant de son fait personnel, pour résilier unilatéralement et sans préavis adéquat, le contrat de travail.

[…]

[37]            Il y a donc lieu d’établir le délai congé à neuf mois et demi, délai considéré comme raisonnable, dans les circonstances.  Au salaire de 5 400 $ par mois, moins le montant pour six semaines déjà versé, l’indemnité doit donc être de 43 200 $.

[53]        In Diane Archambault vs. Literie Lunedor Inc. et Michel Desrochers et Luce Bergeron,[5] a 52-year-old woman, having worked only 4 months, was awarded an 8-month notice :

[2]               Madame Diane Archambault est une dame de 54 ans.  Elle possède un baccalauréat en sciences économiques et possède une longue expérience de travail dans le commerce au détail.

[3]               Son curriculum vitae (pièce P-1) atteste de sa vaste expérience.  Elle est mère de quatre (4) enfants et, en 2006, elle travaillait pour l’entreprise Nike à St-Sauveur où elle dirigeait les employés, en plus de s’occuper de la gestion de l’édifice lui-même.  À l’époque elle gagnait 52 000 $ par année en plus des « bonus », pourcentage sur les profits et assurance dentaire et médicale complète pour elle et ses enfants.  Elle témoigne que ses avantages sociaux équivalaient à 30 000 $ l’an.

[…]

IV         Application du droit aux faits

[29]            La demanderesse avait 51 ans lorsqu’elle a été embauchée par les défendeurs.  Elle occupait alors un poste de cadre pour l’entreprise Nike et gagnait un revenu de 52 000 $ et des avantages sociaux intéressants.  Elle a été sollicitée par monsieur Michel Desrochers à cause de sa personnalité et de sa vaste expérience.

[30]            L’idée d’un nouveau défi, d’une possibilité d’achat de parts dans l’entreprise sous forme de bonus et de commission lui a plu.  Elle travaillait toujours dans les Laurentides, ce qui était une priorité.  Son rêve a vite tourné en cauchemar quant à peine 2 mois après son embauche, les défendeurs ont mis fin à son contrat de travail, rappelons-le sans motif sérieux et sans préavis de quelque forme que ce soit (réprimande verbale, écrite, etc.)

[31]            La demanderesse s’est donc retrouvée au chômage avec un revenu hebdomadaire de 452 $.  Elle a témoigné des nombreuses demandes d’emploi et contacts qu’elle a fait pour se trouver un autre emploi, dans une période de début de crise économique.

[32]            Après 1 an de prestations de chômage, elle a eu un petit contrat comme travailleur autonome qui lui a rapporté 2 500 $.  Après, elle a vécu pendant 50 semaines d’une subvention de 350 $ par semaine pour élaborer un projet d’entreprise, soit une nouvelle moulée pour chiens.  Au jour de l’audition, elle faisait l’élevage de chiens et son revenu pour l’année 2008 était de 18 751 $ (pièce P-7).

[33]            Compte tenu de tous ces facteurs, y compris les démarches effectuées par la demanderesse pour minimiser ses dommages et l’abondante jurisprudence sur le délai-congé, le Tribunal fixe à 8 mois la durée du délai que la demanderesse aurait dû recevoir.  Conformément aux articles 45 et 46 de la Loi sur l’assurance-emploi (1996 c.h 23) à l’article 35 du règlement en vertu de cette loi (DORS/96-332), l’employeur devra rembourser les sommes reçues à titre de prestation de chômage au Receveur général.

[54]        In the Archambault case above, the Court cites Justice Marie-France Bich in Akh vs. Canadian Pacific Railway:[6]

[26] Ces propos sont également ceux de l’honorable juge Marie-France Bich de la Cour d’appel dans l’arrêt Aksich c. Canadian Pacific Railway (C.A., 2006-07-12 (jugement rectifié le 2006-08-25)), 2006 QCCA 931:

« [119] Lorsque l’employeur met fin au contrat sans donner au salarié le délai de congé raisonnable ou la totalité de l’indemnité équivalente, la résiliation n’en reste pas moins effective, mais le salarié peut alors obtenir compensation pour le préjudice qu’il subit par suite de l’absence ou de l’insuffisance de délai de congé : il réclamera donc l’indemnité équivalente en justice (ou la différence entre ce qu’il a reçu, le cas échéant, et ce qu’il aurait dû recevoir), sous réserve de son obligation de mitigation.

[120] La jurisprudence et la doctrine font par ailleurs bien voir qu’il ne s’agit pas, en accordant l’indemnité tenant lieu de délai de congé, de réparer le préjudice qui découle de la terminaison même du contrat de travail : dans la mesure où l’employeur (comme le salarié du reste) a le droit de résilier le contrat, unilatéralement et sans motif, les dommages que peut réclamer le salarié sont limités à la rémunération qu’il aurait reçue pendant la durée du délai de congé applicable (moins les divers facteurs de mitigation).

[121] Finalement, les règles relatives à l’abus de droit s’appliquent en matière de rupture du contrat de travail comme en toute autre matière contractuelle : il n’est donc pas impossible qu’un employeur abuse de la faculté de résiliation que lui confère l’article 2091 C.c.Q. et, en pareil cas, le salarié pourra réclamer, de façon distincte, la réparation du préjudice résultant de la commission de cet abus de droit. Toutefois, encore là, il ne s’agira pas de compenser le salarié pour les dommages résultant de la terminaison du contrat, mais bien pour les dommages résultant directement de l’abus commis par l’employeur à cette occasion. » ;

and also cites Justice Jean-Louis Baudoin in Standard Broadcasting Corporation Limited c. Stewart:[7]

[27] L’honorable juge Baudoin avait écrit en ce sens quelques années auparavant dans l’arrêt Standard Broadcasting (précité):

« Le droit de congédier normalement exercé entraîne toujours un certain préjudice pour l’employé, mais il faut prendre garde que la compensation pour abus du droit ne fasse pas double emploi avec l’indemnité de délai-congé, et ce, d’autant plus que dans l’évaluation de ce que constitue un délai-congé raisonnable, les tribunaux tiennent souvent compte de la façon dont la résiliation du contrat s’est opérée et du comportement de l’employeur.

En d’autres termes, je pense qu’un congédiement effectué même de façon abrupte n’est pas nécessairement un abus de droit entraînant l’application systématique de cette théorie.

Ce principe ne signifie pas pour autant qu’il n’y a jamais de place en matière de contrat de travail à durée indéterminée pour une compensation additionnelle fondée sur la théorie de l’abus de droit. Cette indemnisation, cependant, ne peut compléter l’indemnité de délai-congé que si l’on retrouve mauvaise foi, négligence et que, de ce fait, l’employé souffre des dommages additionnels dus à une faute identifiée de l’employeur. Ainsi, il y a abus de droit si l’employeur est manifestement de mauvaise foi, place volontairement ou par négligence l’employé «….dans une situation humiliante ou embarrassante….», ou encore si, à la suite du congédiement, il salit la réputation de son employé par la façon dont il le congédie (par exemple, en y donnant une publicité négative et en nuisant ainsi à ses chances de retourner sur le marché du travail ou en fournissant des renseignements erronés ou diffamatoires à des tiers). »

[55]        Hawi vs. Alstom Énergie et transport Inc.[8] is another case where a 56-year-old man was awarded a 9-month notice after 19 months of employment:

[4]           Monsieur Hawi commence son emploi chez Alstom le 17 décembre 2007.  Il est engagé comme responsable technique (RT).  L’entente écrite, sous forme de lettre, est datée du 11 décembre 2007 (P-2).

[…]

[37]        Par la suite, le 11 août 2009, monsieur Hawi est informé de son congédiement par monsieur Lanoue qui le rencontre en compagnie d’une représentante des ressources humaines.

[…]

[148]     De l’avis du Tribunal, un préavis de neuf mois est tout à fait raisonnable à la lumière des critères applicables : nous reprenons les critères consacrés dans le même ordre que la juge Beaugé les a listés dans l’affaire Pilon.

1)         Les circonstances de l’embauche. 

[149]     Monsieur Hawi avait occupé trois emplois depuis janvier 2004, et le dernier poste occupé a duré de janvier à novembre 2007.

[150]     Il a quitté cet environnement d’emploi de courte durée pour un poste permanent, mais on ne l’a pas induit à quitter une situation permanente pour le faire.  Pour l’induire à quitter cet environnement afin de s’investir chez Alstom, on a augmenté le salaire de 4 000 $ par rapport au salaire publié.

2)         La nature et l’importance du poste.

[151]     C’est un poste qui n’est pas le plus élevé dans la hiérarchie administrative chez Alstom, mais c’est un poste supérieur sur le plan technique ouvert seulement aux candidats ayant la qualification d’ingénieur spécialisé en électronique hyperfréquence dans un environnement de haute technologie et de l’expérience.

[152]     Tenant compte des avantages et du bonus, la rémunération est supérieure à
100 000 $ par année, correspondant à des niveaux exceptionnels d’éducation et d’expérience.

3)         Le niveau de difficulté à trouver un autre poste de même niveau.

[153]     Ce n’est pas un poste subalterne au niveau technique et cela correspondait au profil de monsieur Hawi qui avait non seulement une éducation supérieure, mais aussi une longue expérience.  La difficulté que monsieur Hawi a eue pour trouver un poste semblable démontre qu’il s’agit d’un poste d’une certaine exclusivité.

4)         L’âge

[154]     Voici un élément hautement contesté du dossier.  À 56 ans, monsieur Hawi n’est pas trop âgé pour travailler, mais il n’est pas assez jeune pour attirer l’attention d’un certain nombre d’employeurs qui regardent le potentiel de développement.  Chez Alstom, on a décidé de l’engager en partie parce que le département, où il était destiné à travailler n’avait personne de son expérience.  Donc, ses collègues étaient plus jeunes.  Vraisemblablement, un candidat de 56 ans serait moins attrayant pour un employeur qu’une personne ayant les mêmes diplômes et quinze ans d’expérience âgée de 35 ou 40 ans.

5)         Le nombre d’années de service.

[155]     On parle d’environ 19 mois, une période relativement courte.

[156]     De façon globale, l’importance du poste et la rémunération y associée, la difficulté de trouver des postes semblables, surtout passé la mi-cinquantaine sont des facteurs qui militent en faveur d’un préavis assez long alors que la durée relativement courte de l’engagement est un facteur atténuant. 

[56]        In Robert Gravel vs. Telus Communications inc.,[9] the Court awarded a 10-month notice to a 57-year old man, after less than 2 years of service. The Court wishes to underscore the following passages:

[2]           Telus a mis fin, le 12 novembre 2007, à l’emploi que monsieur Gravel occupait pour elle depuis le 23 janvier 2006.

[…]

[34]        Elle écrit également dans Transforce inc. c. Baillargeon :

[52]      En guise de rappel théorique, je propose de revenir en premier lieu sur la vocation indemnitaire du délai-congé, lequel a pour but, en ce qui concerne l’employé, « de lui permettre d’avoir un temps raisonnable pour se retrouver un emploi [équivalent] sans encourir de perte économique » . Ceci ne signifie pas que le délai-congé doit équivaloir au temps requis pour se replacer sur le marché du travail. Le délai-congé doit s’apprécier également au regard du droit de l’employeur de mettre fin au contrat de travail, lequel droit pourrait être compromis si le délai-congé octroyé est trop long .

[53]      L’article 2091 C.c.Q. parle plutôt d’un délai raisonnable, chaque cas étant un cas d’espèce devant être évalué en fonction des différents critères énumérés à cet article et développés par la jurisprudence. Les plus souvent invoqués sont les suivants  :

  •       la nature et l’importance du poste occupé par l’employé, l’idée étant que plus le poste sera important, plus le délai-congé sera long;
  •       le nombre d’années de service de l’employé. Plus ce dernier sera ancien dans l’entreprise, plus le délai-congé sera long;
  •       l’âge de l’employé. Plus l’employé sera âgé, plus on présume qu’il lui faudra du temps pour se replacer sur le marché du travail et plus son délai-congé sera long;
  •       les circonstances ayant mené à son engagement. Un employé, par exemple, qui est sollicité et qui laisse un emploi rémunérateur et certain aura droit à un délai-congé plus long que celui qui est sans emploi ou dont l’emploi est incertain;
  •       la difficulté de se trouver un emploi comparable. Plus cette difficulté sera grande, plus le délai-congé sera long.

[54]      Chose fondamentale à ne pas oublier, aucun de ces critères ne doit être examiné isolément. C’est dans une perspective globale qu’ils doivent être pris en compte , ce qui constitue un délai-congé raisonnable étant « essentiellement une question de fait qui varie avec les circonstances propres à chaque espèce » .

[55]      Enfin et parce que la détermination du délai-congé raisonnable est une question de fait, c’est avec beaucoup de réserve et de déférence que la Cour interviendra pour modifier la durée de celui-ci. Les motifs du juge Baudouin, rendus à l’occasion de l’arrêt Standard Radio inc. c. Doudeau , sont un bel exemple de la réserve judiciaire qui doit prévaloir en semblable matière car, malgré une hésitation certaine, ce dernier refuse d’intervenir en présence de ce qu’il qualifie d’allocation « très généreuse »  :

Comme je l’ai écrit dans le dossier connexe de Standard Broadcasting Corp. c. Stewart, l’évaluation par le juge de première instance du délai-congé est une tâche difficile et subjective puisqu’en la matière une grande part doit être laissée à l’appréciation des circonstances et à l’évaluation de la preuve par le magistrat.

Dans l’affaire Stewart, j’ai été d’opinion que le délai-congé d’une année entière accordé par la Cour supérieure était généreux, mais pas à ce point déraisonnable, eu égard à la jurisprudence, qu’il motivait une intervention de notre cour. Il faut noter que le salaire brut de Stewart était à peu près le même que la rémunération moyenne de l’intimée, que ses fonctions ét