Par Me Paul-Matthieu Grondin
Dans le jugement division des petites créances de la Cour du Québec Lapointe c. Diffusion Momentum, un contrôleur-comptable se fait congédier alors qu’il est à l’intérieur de ce qu’on convient d’appeler la « période probatoire ».
Essentiellement, le demandeur plaide avoir droit à 15000$ de dommages vu son congédiement abusif, parce que les parties s’entendent quant au caractère raisonnable de l’indemnité de départ. Il semble que l’employeur et le nouvel employé n’étaient tout simplement pas un fit, comme on le dit dans notre jargon des relations employeurs-employés. On comprend aussi qu’une fin d’emploi n’est pas abusive simplement parce qu’un employeur a laissé un employé « à lui-même » et qu’il ne lui a pas fait de suivis rigoureux quant à ses attentes.
Voyez ici le cœur de la décision :
[25] En matière civile, il appartient au demandeur de convaincre le Tribunal, par la présentation d’une preuve probante qui respecte les critères énoncés aux articles 2803 et 2804 C.c.Q., que la défenderesse a mis fin à son lien d’emploi de manière abusive, qu’il a subi des dommages et qu’il existe un lien de cause à effet entre la faute et les dommages allégués.
[26] Avec égards, le demandeur n’a pas fait cette démonstration.
[27] La preuve démontre que la demanderesse a exercé son droit de gérance et mis fin à l’emploi du demandeur dans le respect des termes du contrat de travail ratifié avec lui et notamment à l’intérieur de la période de probation prévue dans cette entente.
[28] Le demandeur plaide que la défenderesse n’avait pas de motifs sérieux pour mettre fin à son emploi. Il ajoute avoir été laissé à lui-même au cours de la période de probation, qu’il n’a pas été mis au courant des attentes de l’employeur à son endroit tant d’un point de vue opérationnel que relationnel et que les rares commentaires reçus de la part de supérieurs au cours de la période de probation étaient positifs. Dans cette optique, il considère que la fin de son emploi était abusive.
[29] La jurisprudence a déterminé qu’un employeur commet un abus de droit lorsqu’il exerce la faculté de résiliation du contrat de travail « en vue de nuire à autrui ». Dans l’affaire Ponce c. Montrusco & Associés inc., la Cour d’appel mentionne :
« [22] Bref, il résulte de la jurisprudence que si l’exercice de la faculté unilatérale de résiliation consacrée par l’article 2091 C.c.Q. n’échappe pas aux articles 6 et 7 C.c.Q., l’application de ces dispositions, vu le caractère discrétionnaire et intrinsèquement préjudiciable du droit en cause, commande un test plus exigeant que celui qu’énonce la Cour suprême dans l’arrêt Houle. Commet ainsi un abus de droit l’employeur qui exerce la faculté de résiliation « en vue de nuire à autrui », pour reprendre l’expression de l’article 7 C.c.Q., c’est-à-dire, pour user d’autres termes, avec malice ou mauvaise foi. Commet aussi un abus de droit l’employeur qui, dans l’exercice de cette faculté, commet une faute caractérisée qui, sans être intentionnelle, engendre cependant un préjudice allant au-delà de celui qui découle normalement de la résiliation : c’est en cela seulement que l’employeur peut agir de manière « excessive et déraisonnable » au sens de l’article 7 C.c.Q.[6]. Inutile de préciser que le fait qu’aucun motif sérieux, au sens de l’article 2094 C.c.Q., ne justifie l’exercice de la faculté de résiliation n’est pas constitutif d’un abus de droit : prétendre le contraire enlèverait tout sens à l’article 2091 C.c.Q.
[23] En l’espèce, la juge de première instance, appliquant ces critères, a conclu que :
[114] Montrusco n’a pas congédié avec malice, méchanceté et intention de nuire, ni avec maladresse, insouciance, malveillance ou négligence. […]
[24] L’appelant n’a pas montré ce en quoi cette conclusion était entachée d’une erreur de droit. »
[30] Pas plus que dans l’affaire Ponce précitée, le demandeur n’a présenté de preuve probante à l’effet que la défenderesse a mis fin à son emploi avec malice, méchanceté ou intention de nuire, ni avec maladresse, insouciance, malveillance ou négligence.
[31] Au contraire, la défenderesse a usé de son droit de gérance et informé le demandeur des fondements justifiant selon elle la fin de l’emploi dans le respect de ce dernier et n’a fait que mettre en application les dispositions de la clause d’essai prévue au contrat de travail. Elle a versé au demandeur, dans le respect des dispositions des articles 2091 et 2092 C.c.Q., un délai de congé équivalent à cinq semaines de travail. Ce faisant, elle n’avait pas à démontrer un motif sérieux de fin d’emploi.
[32] Considérant notamment la nature de l’emploi, le fait que le demandeur ait répondu à un appel de candidatures pour ce poste, son expérience de travail passé, son âge, la durée de sa prestation de travail et le fait que le lien d’emploi se soit terminé au cours de la période de probation, le Tribunal considère que le délai de congé offert au demandeur était raisonnable.
[33] En l’absence de preuve d’abus, le recours du demandeur est non fondé.