L’ordonnance Norwich : forcer la divulgation d’information par un tiers
Par Me Antoun Alsaoub, avec la collaboration de Sabrina Roberge
L’ordonnance de type Norwich tire sa source du droit anglais et a été introduite aux tribunaux canadiens dès 1998. Elle peut être utilisée pour obliger un tiers impliqué dans la facilitation d’un acte repréhensible à divulguer de l’information sur l’identité des auteurs de l’acte en question. Sans les renseignements dont on cherche à obtenir, il serait impossible pour la partie demanderesse d’intenter des procédures judiciaires contre la personne qui lui a causé un préjudice.
Dans Fancamp Exploration Ltd. c. Doe., l’honorable juge Bisson vient réitérer les critères pour d’obtention d’une ordonnance de type Norwich. En l’espèce, Fancamp Exploration Ltd. (« Fancamp ») cherche à obtenir l’identité de quatre individus publiant des commentaires diffamatoires à son égard sur le site web de la mise en cause, CEO.CA Technologies Ltd (« CEO »). Malgré des demandes de Fancamp à CEO de retirer les commentaires diffamatoires de son site web et de dévoiler les noms des individus, cette dernière a refusé de révéler les noms et de bannir ceux-ci du site web.
En conséquence, Fancamp fait une demande d’ordonnance de type Norwich dans le but de forcer CEO à divulguer l’identité des individus étant donné qu’elle est la seule à détenir l’information recherchée. Pour obtenir une telle ordonnance, les critères suivants doivent être satisfaits :
- a) il existe à première vue quelque chose à reprocher à l’auteur inconnu du préjudice;
- b) la personne devant faire l’objet de l’ordonnance doit avoir quelque chose à voir avec la question en litige — elle ne peut être un simple spectateur;
- c) la personne devant faire l’objet de l’ordonnance doit être la seule source pratique de renseignements dont disposent la demanderesse;
- d) la personne devant faire l’objet de l’ordonnance doit recevoir une compensation raisonnable pour les débours occasionnés par son respect de l’ordonnance, en sus de ses frais de justice;
- e) l’intérêt public à la divulgation l’emporte sur l’attente légitime de respect de la vie privée[1].
Le Tribunal est convaincu que Fancamp cherche à connaitre l’identité des personnes de manière à intenter un recours légitime pour diffamation à leur égard et préserver leur réputation. De plus, CEO est apte à rechercher l’adresse IP et le pseudonyme des personnes intéressées à faible coût. Le tribunal est également d’avis que CEO est la seule personne qui a accès à l’identité desdits individus et que le droit de Fancamp de faire cesser les commentaires diffamatoires prime sur le droit des individus en question de conserver leur anonymat. Finalement, la demande d’ordonnance de type Norwich remplit les exigences de préjudice irréparable quant à la réputation, d’urgence et de la balance des inconvénients. La demande d’ordonnance de type Norwich a donc été accueillie.
[1] 2018 CSC 38, par. 18.