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Par Me Paul-Matthieu Grondin, avec la collaboration de Juliette Fucina

Dans la décision récente Fils-Aimé c. 9297-3668 Québec inc., le Tribunal administratif du travail rappelle l’importance d’un avis écrit dénonçant un rendement insatisfaisant préalablement à un congédiement administratif.

Dans cette affaire, le plaignant a été embauché par la défenderesse en 2016 à titre d’infirmier-auxiliaire. Un peu plus de sept ans après son embauche, il a été congédié verbalement par le directeur général de la défenderesse. Cette dernière justifie la fin d’emploi par le manque de compétence du plaignant. Elle affirme en outre lui avoir donné plusieurs avis de toutes sortes dans les années précédent le renvoi, dénonçant son insatisfaction quant à la qualité de son travail.

Il s’avère toutefois que ces avis ont, pour la majorité, été communiqués verbalement plutôt que par écrit, et que le dernier avis de mécontentement a été transmis au plaignant près d’un an avant son congédiement. Selon le tribunal, ceci démontre d’une part la faible gravité du comportement reproché et, d’autre part, que ces avis ne pouvaient raisonnablement laisser présager au plaignant que son emploi était en péril.

Ainsi, le tribunal accueille la plainte, et confirme que le congédiement a été fait sans cause juste et suffisante, accordant au passage une indemnité au plaignant de huit semaines.

Nous y voyons donc une nouvelle confirmation de la nécessité d’une documentation adéquate quant aux avis donnés si un employeur désire enchaîner les étapes menant à un congédiement administratif.

Voyez plus spécifiquement la façon dont le juge motive sa décision :

[8] Lorsque le congédiement découle de l’incapacité du salarié à assumer ses responsabilités ou à exécuter son travail adéquatement, comme on allègue ici, on le qualifie de congédiement administratif par opposition à un congédiement disciplinaire qui sous-entend un comportement fautif volontaire de la part du salarié.

[9] Dans le cadre d’un congédiement administratif pour incompétence, la jurisprudence exige que le salarié ait été informé des attentes de l’employeur ainsi que de ses lacunes, que l’employeur lui ait offert du support et un délai raisonnable pour lui permettre de corriger la situation, et qu’il ait été avisé que son emploi était en jeu à défaut d’amélioration ou que les circonstances permettent de conclure que le salarié ne pouvait ignorer que tel était le cas.

[10] La Cour d’appel a récemment confirmé que la question de savoir si un congédiement pour rendement insatisfaisant est justifié au regard des critères précités est contextuelle. 

[11] Dans la présente affaire, si l’employeur a informé le demandeur à diverses reprises de son insatisfaction quant à la qualité de son travail, il l’a fait toutefois plus souvent verbalement que par écrit ce qui laisse perplexe quant à la gravité de la situation étant donné que le demandeur ne reconnaît pas les reproches formulés.

[12] Le dernier avis écrit remis au demandeur remonte au 8 mars 2023 et ne constitue qu’un rappel concernant le suivi à faire en cas de chute d’un résident. Il s’agit du seul avis écrit qui lui est remis jusqu’à son congédiement qui survient le 5 février 2024, soit presque 11 mois plus tard. De plus, cet avis ne comporte aucun ultimatum permettant au demandeur de comprendre que son emploi est en péril. On le remercie même à l’avance pour sa collaboration.

[13] Dans les circonstances, le Tribunal conclut que l’employeur ne s’est pas déchargé du fardeau de preuve qui lui incombait de démontrer que le demandeur savait ou devait savoir que son emploi était en danger. Le congédiement du demandeur ne repose donc pas sur une cause juste et suffisante.