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Par Me Paul-Matthieu Grondin, avec la collaboration de Juliette Fucina

Dans l’affaire Santisteban Mondonedo c. AI-Genetika (BioTwin) inc. la Cour du Québec est amenée à se prononcer sur la suffisance d’un délai de congé dans le cadre d’un congédiement effectué à l’issue d’une période de probation.

La demanderesse est une scientifique expérimentée qui a été recrutée au poste de traitement de données par la défenderesse en mars 2021. Lors de son embauche, les parties ont signé un contrat de travail à durée indéterminée, lequel prévoyait notamment une période de probation de 90 jours à compter de l’entrée en fonction de la demanderesse. Or, au terme de cette période de probation, la demanderesse a été congédiée.

La défenderesse présente ce congédiement comme le résultat d’une divergence d’opinion justifiée par des lacunes dans le suivi de ses dossiers, ainsi que par un manque de compétences, de collaboration et de transparence. Elle soutient que le délai de congé d’une semaine accordé à la demanderesse est suffisant, compte tenu de sa durée de service de 90 jours.

 

Toutefois, le Tribunal ne retient pas les prétentions de la défenderesse. Cette dernière ne peut invoquer l’absence de compte rendu alors qu’elle a omis de fournir un encadrement et des directives appropriés. Elle aurait dû accorder à la demanderesse une période additionnelle de 90 jours de probation. Une telle période n’ayant pas été octroyée, un délai de congé de 90 jours est justifié dans les circonstances.

 

Voyez la façon dont le juge a motivé sa décision :

[44] Madame Silva occupe un emploi stratégique dans BioTwin. Elle œuvre aux premiers stades d’une entreprise de pointe dans le domaine de la santé. Elle a une expertise pertinente dans l’analyse de données. On la recrute en Europe où elle a déjà fait ses preuves. On ne lui fournit pas un encadrement suffisant, dans une entreprise en création. Sa spécialité ne lui permet pas d’envisager à court terme une relocalisation rapide dans un emploi au Canada.

[45] Au moment de son congédiement, elle termine tout juste son délai de 90 jours de probation. Aucune démarche d’analyse et d’orientation spécifique, lors de l’échéance de cette période de probation, n’a été mise en place à l’égard de madame Silva.

[46] Aucun témoin en défense, autre que monsieur Noël, ne justifie d’une incompatibilité de madame Silva au sein de l’entreprise. Sa façon de s’exprimer en groupe peut avoir créer certains malaises chez madame Manon Fradin, sans que cela puisse être interprété comme étant un problème grave et incompatible avec la continuité de ses fonctions.

[47] Dans ce contexte, une période additionnelle de 90 jours de probation aurait pu lui être accordée avec l’arrivée en fonction de monsieur Frédéric Audet, chargé de la superviser, et qui aurait pu servir de filtre à madame Silva à l’égard des autres départements de BioTwin et face à sa direction. L’absence d’un département expérimenté au chapitre des ressources humaines, au sein de l’entreprise, peut expliquer que cette avenue n’ait pas été suffisamment analysée. Monsieur Noël est ainsi amené à penser qu’il était plus nuisible que positif d’attendre encore quelques mois, avant de congédier madame Silva, tel que le révèle sa partenaire dans la décision de congédiement, madame Cynthia Belley.

[48] Le Tribunal est donc d’avis que cette période additionnelle de 90 jours de probation, qui aurait pu lui être proposée, avec l’expression d’attentes spécifiques, lors de la mise en poste de son supérieur immédiat, correspond à la période de délai-congé raisonnable qui aurait dû lui être donnée dans les circonstances.

[49] Sa rémunération de 70 000 $ par année détermine donc une indemnité de 16 155 $ qui doit lui être accordée, tout en déduisant la semaine de salaire déjà versée.