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Dommages moraux et indemnité de départ de 10 mois

10 août 2022

Par Me Paul-Matthieu Grondin

 

Dans Brasseur c. Contrans Vrac inc., une décision récente de la Cour supérieure, on accorde 10 mois d’indemnité de départ à une employée qui comptait 11 ans d’ancienneté et qui était directrice générale d’une compagnie de transport au moment de son congédiement.

L’employée est congédiée après une filature qui visait à déterminer que l’employée travaillait ailleurs alors qu’elle était en arrêt de travail. Le rapport de cette filature s’est avéré être un baume pour l’employée, et la disculpait du prétendu double emploi. Malheur, l’employeur avait pris sa décision de congédier l’employée sans prendre en compte l’essentiel du rapport de filature.

Il est bien connu que les tribunaux octroient régulièrement des montans en dommages moraux dans les cas de fin d’emploi particulièrement houleuses ou cavalières, desquelles découle juridiquement un abus de droit. C’est ce qui s’est passé ici, vu la preuve disculpatoire qui était dans les mains de l’employeur. Le juge octroie 5000$ en dommages, ce qui est dans les normes jurisprudentielles des employés qui ne sont pas des cadres :

 

 

[132]     Dans le cas présent, les défenderesses ont abusé de leur droit.

[133]     Cet abus de droit résulte notamment :

  1. a)d’avoir congédié la demanderesse avant l’obtention du rapport d’enquête;
  2. b)de l’omission d’obtenir la version de la demanderesse à la suite d’un rapport de filature disculpatoireen ce qui concerne les 25 et 26 octobre 2018;
  3. c)d’avoir omis de donner l’opportunité à la demanderesse, qui est en arrêt de travail pour des raisons médicales, de fournir sa version des faits;
  4. d)de proposer à la demanderesse de démissionner « pour éviter les conséquences négatives reliées à la fraude au niveau de l’assurance-emploi ».

[134]     Il s’agit d’une conduite déraisonnable par rapport à celle d’un employeur prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances et d’un abus de droit qui constitue une faute distincte de l’exercice normal du droit de congédier.

[135]     S’il est exact d’affirmer que le rapport de filature permet d’observer la présence de la demanderesse chez Transport Lemaire inc. le 24 octobre 2018 de 8 h 30 à 10 h 30, période pendant laquelle elle a été observée devant un écran d’ordinateur, et effectuer un achat à la quincaillerie les 25 et 26 octobre 2018, ce rapport, analysé globalement, ne permet pas d’établir que la demanderesse travaille à cet endroit.

[136]     Or, dans le contexte où la demanderesse est en arrêt de travail pour des motifs médicaux confirmés par l’expert des défenderesses, ces dernières ne lui ont jamais donné l’opportunité de fournir sa version des faits.

[137]     Le 6 novembre 2018, lorsque Michael Tremblay convoque la demanderesse au siège social de TFI, la décision de la congédier est prise. Cette décision résulte d’une courte conversation entre Pierre Labarre, Michaël Tremblay et Sylvain Desaulniers.

[138]     Le 7 novembre 2018, lorsque la demanderesse se présente au siège social de TFI, la lettre de congédiement est préparée et rien ne peut y changer, incluant le fait que, lorsqu’elle réalise son congédiement, la demanderesse nie vigoureusement travailler pour Transport Lemaire inc.

[139]     Mais il y a plus.

[140]     Non seulement n’a-t-on pas permis à la demanderesse de fournir sa version des faits avant de décider de la congédier, mais, en plus, monsieur Tremblay lui propose de démissionner en évoquant la possibilité qu’on lui reproche une fraude à l’assurance-emploi.

[141]     Ces agissements fautifs ont causé un préjudice moral additionnel à la demanderesse, de l’humiliation et des troubles et inconvénients justifiant l’octroi de 5 000 $ à titre de dommages-intérêts moraux.