Par Me Paul-Matthieu Grondin, avec la collaboration de Juliette Fucina
Dans une cause de 2012, Ménard c. CPE La Grande Envolée, la Cour supérieure est saisie d’une demande en dommages pour congédiement injustifié.
Dans cette affaire, la demanderesse est la directrice générale de deux centres de la petite enfance (CPE). Après avoir agi à ce titre pendant une dizaine d’années, la demanderesse est suspendue le 14 février 2008 et est ensuite congédiée le 7 mars de cette même année. Suivant cette nouvelle, la demanderesse demande à rencontrer le conseil d’administration (CA) afin d’obtenir de plus amples explications mais on le lui refuse. La demanderesse consulte alors un avocat, qui lui, écrit à son tour au CA afin de connaitre les motifs du congédiement de la demanderesse. Toutefois, cette demande demeure, une fois de plus, sans réponse.
Pour sa part, le CA affirme avoir perdu confiance en la demanderesse, ce qui ne lui donnerait d’autre choix que de la congédier. Le CA prétend que la demanderesse a contresigné de nombreux chèques, qu’elle a outrepassé l’allocation de dépenses prévues pour l’utilisation de son véhicule, qu’elle a acquitté des dépenses personnelles à même les fonds du CPE, qu’elle a omis de dénoncer son lien avec le président et qu’elle a fait preuve de négligence dans la gestion du déménagement de l’un des CPE.
Après une analyse attentive des faits et des nombreux témoignages, la Cour réfutera les prétentions soutenues par la défenderesse et condamnera cette dernière au paiement d’une indemnité globale de 18 mois de salaire, selon les critères usuels, que les lecteurs de ce blogue reconnaîtront bien.
Voyez la façon dont le juge motive sa décision :
[177] Chantal Ménard est directrice générale du CPE La Grande Envolée depuis une dizaine d’années. Elle est dynamique, compétente, entièrement dévouée à sa tâche et aimée de tous. Les évaluations de tâche par le conseil d’administration sont dithyrambiques.
[178] En février 2008, une employée trouve une facture de cellulaire élevée et en parle à la présidente du CA. La même employée trouve l’original d’un chèque signé uniquement par la DG à une compagnie inconnue et transmet l’information à la présidente du CA.
[179] 7 février 2008, réunion secrète du CA à laquelle la DG n’est pas convoquée contrairement à la politique administrative.
[180] 14 février 2008, suspension de la DG suivie de son congédiement le 7 mars 2008. Personne n’a cru bon jusqu’à cette date de demander la version des faits de la plus ancienne employée de la maison.
[181] À l’automne 2007, le CA décide de déménager d’un des deux locaux du CPE et charge la DG du mandat. Ce mandat, on le constatera rapidement deviendra d’une complexité telle qu’il dépassera largement les compétences de la DG et ne suscitera aucun intérêt véritable des membres du CA.
[182] Le budget sera largement dépassé comme il arrive trop souvent à tous les projets publics ou privés lancés dans l’urgence et l’improvisation.
[183] Le Tribunal en vient à la conclusion, ayant entendu une longue preuve et pesé attentivement les propos de chaque témoin, que la bonne foi de la DG ne saurait être mise en doute. La preuve révèle également l’absence d’intérêt véritable et/ou de compétence des membres du CA pour assurer le suivi du projet et prendre les décisions qui s’imposaient au fil des événements.
[184] Vouloir faire supporter le résultat pourtant prévisible des dépassements de coûts à la DG en la congédiant est injuste et illégal.
[…]
[253] Son congédiement survenu dans un petit milieu dans les circonstances que l’on sait a mis un terme à sa carrière et l’a plongée dans une profonde détresse physique et psychologique.
[254] Le Tribunal peine à comprendre comment un groupe de jeunes femmes qui étaient toutes des amies intimes ont pu en arriver à créer une situation aussi injuste qui a ruiné la vie de la demanderesse.
[255] La demanderesse réclame outre un avis de congé, des dommages généraux pour atteinte à la réputation, stress et humiliation. Elle a droit à des dommages à ce chef.
[256] Tenant compte de toutes les circonstances propres à l’affaire, le Tribunal accordera une indemnité globale équivalente à 18 mois de salaire.