Dans une récente décision de 2025, Mahi c. St-Georges Structures et Civil inc., la Cour d’appel confirme la décision de première instance dans laquelle l’honorable Samoisette a conclu à un congédiement sans motif sérieux et a octroyé un délai de congé de 9 mois à la demanderesse. Les appelants se pourvoient contre le jugement de première instance en soutenant que le congédiement a été fait pour un motif sérieux et que l’indemnité tenant lieu de délai de congé de 9 mois est nettement déraisonnable.
Bien que nous ayons déjà traité de cette affaire à la suite du jugement de première instance, il convient, à la lumière de la décision de la Cour d’appel, d’en rappeler brièvement les faits.
L’intimé, un vice-président aux alliances stratégique nationales et internationales, a été recruté par les appelants en septembre 2017 dans le but de développer les affaires de la nouvelle succursale marocaine. Quelques mois après son entrée en fonction, le directeur général, préoccupé par la rentabilité de la nouvelle succursale, a demandé à l’intimé de diminuer ses dépenses sans toutefois lui en préciser les motifs. En janvier 2019, cette succursale a été fermée et l’intimé s’est vu remettre une lettre de congédiement. Au soutien de cette dernière, les appelants ont invoqué des lacunes dans la performance de l’intimé.
Compte tenu des faits en litige et de l’analyse de la juge de première instance, la Cour rejette l’appel en confirmant qu’un congédiement ne peut être qualifié de juste et suffisant lorsque les reproches faits à un employé ne lui ont jamais été formellement communiqués avant son congédiement.
Voyez la façon dont les juges ont motivé leur décision :
[5] La juge conclut que le congédiement ne repose sur aucun motif sérieux. Elle octroie à l’intimé une indemnité tenant lieu de délai de congé équivalant à neuf mois de salaire. Elle estime que l’employeur a manqué à son obligation de bonne foi en congédiant l’intimé de façon insouciante et maladroite et en introduisant une demande injonctive à son endroit qui s’est soldée par un désistement; elle lui accorde en conséquence 10 000 $ à titre de dommages moraux.
[7] Les appelants font flèche de tout bois et contestent en appel chacune des conclusions de la juge de première instance décrites au paragraphe précédent.
[8] Examinons cela de plus près.
[9] Les appelants plaident que le congédiement l’a été pour un motif sérieux. Ils ont tort. Ils imputent à l’intimé une litanie de reproches (dépenses en restauration et en location de voitures excessives; comportement déraisonnable et insouciant quant aux dépenses; mauvaise gestion) qui ne lui ont jamais été formellement adressés antérieurement au congédiement et qui ne figurent aucunement à la lettre de congédiement remise le 3 janvier 2019. La juge ne commet aucune erreur révisable en précisant qu’aucun reproche ne lui fut adressé, que son comportement n’était pas problématique et que, partant, le congédiement ne reposait sur aucun motif sérieux.
[10] Les appelants reprochent à la juge d’avoir accordé une indemnité tenant lieu de délai de congé de neuf mois. Il importe de souligner que la juge jouit d’une très large discrétion en cette matière et qu’une intervention sera justifiée si l’indemnité est déraisonnable ou nettement exagérée. La juge s’appuie ici sur la nature de l’emploi occupé par l’intimé au Maroc (il était le visage de la société au Maroc); les circonstances particulières de cet emploi (il était considéré comme un coactionnaire, il a ouvert la succursale du Maroc et a embauché tout le personnel); son expérience dans les services d’ingénierie, sa capacité de s’exprimer dans plusieurs langues, son réseau de contacts et son âge (60 ans). Les appelants échouent à convaincre la Cour que cette indemnité est déraisonnable et nettement exagérée.