arrow_back Retour aux articles

Le licenciement, le congédiement, la pandémie, la réaffectation et un cas d’espèce

18 mai 2023

 

Par Me Paul-Matthieu Grondin

 

 

Dans la décision récente du Tribunal administratif du travail Carmago Concilio c. CAE inc., un employeur reconnu internationalement licencie plusieurs employés dans le contexte pandémique. L’un d’entre eux, un spécialiste de projets de simulateurs de vols, se plaint et conteste les motifs économiques évoqués par cet employeur.

Dans ce blogue, nous avons à maintes reprises écrit quant à la différence entre le licenciement et le congédiement, le premier étant essentiellement dû à des motifs hors le contrôle de l’employé (motifs économiques, technologiques par exemple) et le deuxième étant dû à la performance ou au comportement de l’employé (faute grave, par exemple).

Si un employeur « licencie » un employé et que celui-ci s’en plaint, il revient à l’employeur de démontrer, de façon assez exhaustive, lesdits motifs économiques qui soutiennent sa décision. Dans le cas qui nous occupe, l’employeur se décharge de ce fardeau, et réussi à prouver la baisse du volume de ses affaires et, fait tout aussi important, les critères objectifs sur lesquels il s’est basé pour licencier tel ou tel employé.

Ça nous amène à la question de la « réaffectation ». Ainsi, la juge rédige une revue sommaire de la jurisprudence qui différencie le statut de l’employé syndiqué qui pourrait avoir droit à une réaffectation, alors que c’est moins le cas pour un employé qui n’est pas assujetti à une convention collective.

Voici le détail :

 

 

[45]      Qu’en est-il de l’obligation de l’employeur de s’efforcer de réaffecter le plaignant dans un autre poste? Le Tribunal réitère l’analyse faite dans la décision Fraser c. Axor Construction Canada inc.[10] :

[55].     Le plaignant doit réaliser qu’il ne bénéficie pas des avantages d’une convention collective consentis aux salariés syndiqués. Dans une entreprise non syndiquée, à moins d’y être stipulés ou implantés clairement, les mécanismes de supplantation, mutation et autres mouvements de personnel, par ancienneté, n’existent pas. […]

 

[46]      Tel que le rappelait la Commission des relations du travail en 2013[11] :

[65]      Dans Donohue inc. c. Simard, 1988 CanLII 908 (QC CA), [1988] R.J.Q. 2118, la Cour d’appel précise le fardeau de chaque partie dans les cas de licenciement contestés :

 

Au contraire, dans le cas où s’imposent un ou des licenciements pour des motifs d’ordre économique, le fardeau de prouver l’existence de tels motifs incombant au départ à l’employeur, ce n’est pas l’individu qui est visé, mais bien l’ensemble de la structure organisationnelle de l’entreprise. Partant, celui qui en est éventuellement la victime n’est pas protégé par des normes établies par la loi en question. Il n’a à sa disposition que deux moyens de défense, savoir: 1) la contestation du motif économique allégué; 2) la démonstration qu’à son égard la décision prise constitue un congédiement déguisé, par opposition à un licenciement.

 

[66]      Par ailleurs, lorsque l’enquête démontre qu’il s’agit bien d’un licenciement et non d’un congédiement, la compétence de la Commission est épuisée et la plainte doit être rejetée.

 

[47]      L’employeur n’a pas l’obligation de se départir d’un employé moins ancien pour trouver un poste à un salarié touché par un licenciement dans la mesure où les critères utilisés sont raisonnables et objectifs[12].

[48]      L’employeur s’est adonné à un exercice rigoureux afin de procéder au choix difficile des employés à être licenciés. Il n’appartient pas au Tribunal d’évaluer l’expertise du plaignant et de remettre en cause ses choix. Aussi imparfait qu’un exercice comme celui-ci puisse l’être, les critères retenus n’ont pas le caractère illicite ou partial requérant au Tribunal d’intervenir. Le processus s’avère raisonnable et a été réalisé de façon objective. Aucun indice ne démontre qu’il s’agit d’un congédiement déguisé.

[49]      Ainsi, le Tribunal conclut que l’employeur a démontré avoir dû procéder à de nombreux licenciements en lien avec une baisse importante de son volume d’affaires. Le plaignant a été, malheureusement, parmi les nombreux salariés licenciés par l’employeur dans un contexte exceptionnel.