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4 août 2020
Billets, Droit civil

Quels sont vos recours face à un vice caché ?

Par Jonathan Pierre-Etienne, avocat

Il peut arriver que, quelques temps après avoir acheté un bien, un défaut que l’on n’avait pourtant pas vu à l’achat apparaisse et nous empêche d’en avoir l’usage auquel on le destinait. Par exemple, un poulain affecté d’une incapacité telle qu’elle l’empêchera de devenir un cheval de course[1]. Même si ce défaut ne nous empêche pas de profiter de notre bien, il peut en diminuer la valeur ou tout simplement le modifier drastiquement. Par exemple, constater après l’achat d’une maison, une infiltration d’eau dans le sous-sol ou des moisissures dans les murs peut mener à une procédure en justice pour vices cachés.

Une fois le vice apparu, se pose alors la question de savoir si celui-ci était déjà présent lors de l’achat et dans l’affirmative si le vendeur en était conscient et a tenté de nous le cacher.

 

Qu’est-ce qu’un vice caché ?

Un vice caché est un défaut ou une imperfection affectant un bien qui ne peut être observé au moment de l’achat. Théoriquement, pour une maison ou tout immeuble, le vice est une malfaçon ou une construction en violation des règles de l’art, cependant un vice peut exister même lorsque les règles de l’art ont été suivies.

Au plan juridique, un vice caché doit être qualifié de sérieux, important et exister au moment de l’achat. On dit que l’acheteur prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances n’aurait pas été en mesure de déceler le problème.

La responsabilité du vendeur quant aux vices cachés est reprise dans l’article 1726 du Code civil du Québec qui se lit comme suit :

« Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné un si haut prix, s’il les avait connus. Il n’est cependant pas tenu de garantir le vice caché connu de l’acheteur ni le vice apparent ; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert ».

Une bonne façon d’être diligent est de procéder à un examen de l’immeuble par le biais un inspecteur en bâtiment. De plus, il faut que le défaut affectant l’immeuble l’altère au point que l’acheteur n’aurait pas conclu la transaction au prix payé, mais bien à un prix moindre, ou encore n’aurait simplement pas acheté.

Attention, il ne faut cependant pas avoir exclu de la vente la garantie légale prévue par le Code civil du Québec !

La garantie légale est une protection du Code civil pour l’acheteur. Elle garantit à l’acheteur que le bien qu’il achète n’est affecté d’aucun vice. Cette garantie s’applique à toute vente, à moins d’être expressément exclue par les parties.

 

Les conditions de la garantie de qualité

  • L’existence du vice (malfaçon)

La découverte d’un problème, un défaut ou d’une imperfection grave. Par exemple, l’insuffisance grave d’isolation thermique d’un bâtiment peut être un vice caché[2].

  • Le vice doit être grave

Le défaut affectant la bâtisse doit être grave et affecter l’immeuble au point que l’acheteur, s’il avait connu le problème, n’aurait pas payé aussi cher ou encore il n’aurait tout simplement pas acheté. Par exemple, si l’acheteur réalise a posteriori que sa maison est infestée de fourmis gâte-bois[3].

  • Le vice doit être inconnu de l’acheteur au moment de la vente

Le vendeur aura le fardeau de prouver qu’il avait soit (a) parlé du problème à l’acheteur, ou encore (b) que l’acheteur ne pouvait ignorer ce problème tellement il était évident.

  • Le vice doit être non apparent

Le problème ne doit pas être apparent au moment de l’achat. Un vice apparent selon le Code civil est celui qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin d’un expert.

  • Le vice doit exister avant la vente

C’est à l’acheteur de démontrer que le vice était antérieur à la vente.

Cela veut simplement dire que l’origine du vice précédait la vente et que les effets de celui-ci se révèlent plus tard.

  • Les recours de l’acheteur

Les étapes 1 à 5 doivent toutes être présentes pour qu’un recours en justice soit possible.

Cela dit, l’acheteur pourra poursuivre son vendeur lequel pourra à son tour poursuivre son vendeur, ainsi de suite en remontant la chaine des propriétaires qui ne connaissaient pas le problème.

  • Les dommages et intérêts découlant du vice

Les tribunaux accorderont une compensation en dommages et intérêts lorsque le vendeur connaissait le vice ou ne pouvait l’ignorer.

C’est l’acheteur qui devra établir la connaissance du vice par son vendeur. On présumera qu’il était au courant si le vendeur est un professionnel ou s’il est un promoteur immobilier.

 

Les Étapes au recours judiciaire

  • La dénonciation du vice dans un délai raisonnable avant le début des travaux :

Premièrement, le calcul du délai raisonnable de la dénonciation du vice débute lors de sa découverte par l’acheteur. Ainsi, à l’article 1739 du Code civil du Québec :

« L’acheteur qui constate que le bien est atteint d’un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte ».

Il y a donc une obligation de dénoncer le vice au vendeur dans les meilleurs délais par écrit.

Évidemment, certaines malfaçons seront urgentes à réparer pour la conservation de l’immeuble. Les acheteurs aux prises avec des réparations d’urgence ne se verront pas reprocher une dénonciation suite à la prise en charge du problème par un entrepreneur général. Dans ce cas, il sera utile de prendre de nombreuses photos ainsi que d’obtenir un rapport d’observation de l’entrepreneur en construction pour avoir des preuves de ce défaut.

  • La mise en demeure

Après la dénonciation écrite du vice au vendeur, l’acheteur qui entamera les travaux de correction doit donner au vendeur un avis indiquant le prix des devis et le jour du début des travaux.

Lors des travaux de correction du vice, l’acheteur qui découvre des malfaçons additionnelles devra les dénoncer par écrit à son vendeur.

  • Le recours de l’acheteur et la prescription du recours en vice caché

Une fois la dénonciation et la mise en demeure transmises à son vendeur, l’acheteur pourra entreprendre un recours en justice contre ce dernier.

Pour ce faire, il est préférable de contacter un avocat. Si vous avez besoin de conseils juridiques, contactez-nous pour une première consultation forfaitaire avec Votre avocat. Nos conseils vous orienteront dans la bonne direction. Vous êtes au bon endroit, On s’en occupe !

L’information présentée ci-dessus expose de manière générale la notion de vice caché affectant un immeuble. Cette information ne doit pas être interprétée comme constituant un ou des conseils ou avis juridiques.

 

[1] Dunn c. Lanoie, J.E. 2002-1420, REJB 2002-32686 (C.A.).

[2] Grenier c. Nadeau, J.E. 2000-1564, REJB 2000-19960 (C.S.)

[3] Pigeon c. Beaudry, J.E. 97-1784, REJB 1997-02975 (C.S.)