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1 septembre 2020
Billets, COVID-19

Loyer commercial : ententes locateur-locataire dans le contexte de la COVID-19

Par Me Patricia Ghannoum

Alors que le monde commence à voir la lumière au bout du tunnel de la pandémie de la COVID-19, l’économie mondiale et le secteur immobilier continuent de traverser une période de crise sans précédent. De nombreuses entreprises-locataires ont été contraintes de suspendre complètement ou partiellement leurs opérations et sont aujourd’hui en défaut de payer leur loyer commercial. Même si ces entreprises reprennent aujourd’hui leurs activités, la reprise s’effectue de manière graduelle, faisant en sorte que ces entreprises sont toujours en difficulté financière et sont incapables de rétablir leur défaut et de payer leur loyer entièrement et sans retard.

Ceci a des conséquences majeures sur le propriétaire immobilier, lequel a également des obligations financières de son côté, tels que les versements hypothécaires, les taxes foncières et les coûts d’exploitation de l’immeuble (chauffage, électricité, entretien, assurance, salaires etc.).

Habituellement, les propriétaires ont tendance à résilier le bail et demander l’éviction des locataires en défaut. Toutefois, ce processus peut s’avérer long et coûteux pour les propriétaires qui devront continuer de payer les coûts associés à leur immeuble. Ces derniers auront également de la difficulté à trouver un nouveau locataire dans cette période de crise et risqueront de louer le local à moindre coût. Par ailleurs, le gouvernement a récemment annoncé un projet de loi imposant une prohibition temporaire aux propriétaires de résilier le bail commercial pour défaut de paiement du loyer. En date de la publication du présent billet, la loi proposée n’est toujours pas en vigueur et pourrait être appelée à changer dans les prochains mois.

Il est ainsi dans l’intérêt tant des locateurs que des locataires de collaborer conjointement et de trouver des moyens raisonnables pour rétablir la situation. Selon leurs besoins et la situation financière des locataires, plusieurs propriétaires ont commencé à proposer des ententes de réduction du loyer dans le cadre du programme gouvernemental ou même des ententes de report de paiement de loyer :

 

Programme gouvernemental d’aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial (AUCLC)

Même si ce programme n’est pas obligatoire et limité aux mois d’avril, mai et juin 2020, de plus en plus de propriétaires décident d’y adhérer pour obtenir rapidement et de manière rétroactive une partie du loyer impayé pendant cette période. Les propriétaires doivent toutefois accepter de réduire le loyer et d’accorder aux locataires un moratoire sur les évictions. Il est possible que l’aide soit prolongée, comme cela a été le cas pour le programme de la subvention salaire d’urgence du Canada.

Pour ce faire, les propriétaires doivent réduire d’au moins 75% des loyers bruts de leurs locataires pour cette période, de sorte que ces derniers seront dorénavant tenus de payer des loyers n’excédant pas 25% des loyers bruts qu’ils auraient dû payer. Les propriétaires recevront du gouvernement au moins 50% de ces loyers (pouvant aller jusqu’à 62,5% grâce à la nouvelle bonification offerte par le gouvernement du Québec).

Bien que les conditions d’admissibilité imposées aux propriétaires ne soient pas très restrictives (propriétaires d’immeubles hypothéqués ou non, entente de réduction du loyer, revenus de location inclus dans leur déclaration de revenus de 2018 ou 2019), celles relatives aux locataires sont beaucoup plus définies. En effet, les locataires ne peuvent générer plus de 20 M$ en revenus annuels bruts, ne doivent pas verser plus de 50 000,00$ de loyer mensuel brut, doivent avoir ouvert leurs portes avant le 1 er mars 2020, leur bail doit expirer après le 31 août 2020 et leurs revenus doivent avoir baissé d’au moins 70% pour les mois d’avril, mai et juin 2020.

 

Entente de report de paiement de loyer

Certains propriétaires ou locataires ne sont pas admissibles au programme AUCLC, d’autres propriétaires décident de ne pas y adhérer et préfèrent plutôt obtenir la totalité du loyer mais à une date ultérieure, le tout sans renoncer à leur droit de résiliation du bail en cas de défaut. Dans de tels cas, les propriétaires peuvent proposer aux locataires de reporter le paiement de leur loyer pendant une période déterminée. Les locataires sont alors tenus de payer le loyer reporté lorsque la période de report est terminée. Parallèlement au programme AUCLC, les propriétaires renoncent généralement à exercer leur droit de résiliation durant la période de report du loyer. Toutefois, les propriétaires conservent ce droit en cas de défaut de paiement à l’échéance du terme convenu.

 

Avant de proposer quelconque entente à son locataire, un propriétaire doit prendre en considération plusieurs facteurs et évaluer ses besoins ainsi que la capacité financière de ses locataires.

  • Quelles sont les dispositions pertinentes du bail en vigueur? Quelle est la durée restante du bail?
  • Quelle est ma latitude financière si je décide de réduire le loyer ou de le reporter? Est-ce préférable de réduire le loyer pour l’obtenir rapidement ou reporter le paiement à une date ultérieure?
  • Ai-je besoin du consentement de mon prêteur hypothécaire?
  • Quelle est ma relation avec le locataire? Payait-t-il son loyer régulièrement et sans retard avant la crise?
  • Quelles sont les activités du locataire et comment sont-elles affectées par la crise? Quelle est la situation financière actuelle du locataire? Est-il admissible à une autre aide gouvernementale?
  • Quelle importance représente-t-il pour mon immeuble? Serait-il facile de relouer les locaux en cas de résiliation du bail?

Ceci n’est qu’un aperçu des questions qu’un propriétaire doit se poser et l’analyse peut s’avérer complexe. Notre équipe GS est là pour vous. Nous pouvons vous assister quant à l’évaluation de vos besoins, la présentation de votre demande au programme AUCLC, la rédaction et la négociation de toute entente quant au paiement du loyer commercial.

 

Ce billet contient de l’information juridique d’ordre général et ne devrait pas remplacer un avis juridique d’un avocat qui tiendra compte des particularités de vos besoins.